Sauvetage du Naviplane N102-C-3 « Bételgeuse »

Genèse d’une résurrection

Le sauvetage du Naviplane N102-C-3 « Bételgeuse » commence par une rencontre au Salon Nautique de Paris au tout début des années 90.
Je m’intéresse alors depuis quelques mois à l’histoire des aéroglisseurs Bertin / SEDAM et j’y rencontre Guy Ackerman, directeur de la société AéroPlast (devenue ensuite Ackerman Industrie).
Guy Ackerman est bien connu dans le milieu de l’aéroglisseur : il conçoit et construit alors des aéroglisseurs de 1 à 12 places, et il a été Champion du Monde en catégorie Formule 3 en 1989 aux USA.
Sa société, créée en juillet 1980, a bénéficié de l’expérience acquise par la SEDAM, en particulier pour la conception des jupes de ses machines, directement dérivées des jupes biconiques du Naviplane N500.

Guy Ackerman m’apprend ce jour-là que des carcasses de Naviplanes N102 se trouvent chez un ferrailleur de Villenave d’Ornon dont il me donne l’adresse.

Août 1994, découverte de deux Naviplanes N102 à Villenave d’Ornon

Le 17 août 1994, je me rends donc dans la région de Bordeaux à la recherche des vestiges de la SEDAM.

Après un passage à Pauillac, je découvre effectivement deux Naviplanes N102 abandonnés dans un terrain vague au sud-est de Bordeaux. Il s’agit des N102-C-2 et N102-C-3. Ils sont en très mauvais état et très incomplets.

Le ferrailleur ne parle pas beaucoup, mais je comprends que ces machines ont été achetées aux enchères en mars 1983 lorsque la SEDAM a fait faillite. Il est bien-sûr disposé à les vendre… mais à un prix tout à fait prohibitif (plusieurs dizaines de milliers de francs à l’époque !). Nous en resterons là.

Juin 2001, première tentative de sauvetage

A la fin des années 90, je fais la connaissance de Pascal et Eric Lépicier, deux frères qui pratiquent l’aéroglisseur de sport depuis quelques années. Je leur parle de ces machines, et en juin 2001, nous nous rendons à Villenave d’Ornon pour voir ce qu’il en reste. Nous retrouvons là-bas Pascal Vrignon et Jacques Borderie, des amis du monde de l’aéroglisseur.

Les Naviplanes ne sont plus dans le terrain vague. Le ferrailleur a dû les rentrer dans sa propriété et elles sont donc désormais à l’abri des casseurs, mais certainement pas des intempéries.

L’idée est lancée de créer une association pour les sauvegarder, mais ce projet ne verra finalement pas le jour : nous ne savons pas trop quoi en faire, où les exposer… et surtout nous n’avons pas les fonds pour les acheter (le prix n’a pas baissé !)…

En février 2004, les Naviplanes apparaissent sur EBay. Le « vendeur » (mandaté par le ferrailleur) en réclame cette fois 7000 € pièce ! Nous parlons au téléphone et il me vante des machines « à rafraîchir », « pleines de potentiel », « données » à ce prix là… Autant dire qu’il ne trouvera pas preneur…

Air De Glisse

Pascal et Eric créent l’Association Air De Glisse en 2006.

Peter Yates, néo-zélandais installé dans le Sud-Ouest de la France découvre grâce à nous l’Histoire française des aéroglisseurs. Son intérêt pour cette Histoire est aiguillonnée à partir de 2012 lorsque Jacques Vlamynck, un Ancien de l’exploitation du Naviplane N500 sur la Manche, crée sur FaceBook une page pour y raconter ses souvenirs.

Peter se déplace à Villenave d’Ornon pour voir les Naviplanes N102. Il en revient convaincu qu’il faut préserver ce patrimoine technique français qui risque désormais de disparaître définitivement.

Début 2015, le projet est lancé

Début 2015, il négocie un prix acceptable avec le ferrailleur et envisage dans un premier temps de stocker les Naviplanes dans une grange chez lui.

Nous nous rencontrons en février chez Pascal pour réfléchir à ce projet : comment déplacer les carcasses, comment les amener chez Peter… et qu’en faire après ?

La suite est une succession de petits miracles…

Le premier se produit en avril 2015 quand au hasard d’un courriel Pascal découvre le Musée de Savigny les Beaune. Un contact est pris avec Michel Pont, Directeur du Musée, et Pascal le rencontre rapidement.

Michel Pont n’a jamais entendu parler des aéroglisseurs, mais la machine et son histoire lui plaisent bien. Il promet que l’un de ses amis qui habite à côté de Bordeaux ira voir les appareils et lui dira s’ils valent la peine d’être récupérés.

L’entrevue se termine pour Pascal par une visite du Musée. Arrivés dans la salle des hélices, Michel Pont lui montre une hélice curieuse qu’il a achetée « il y a longtemps du côté de Bordeaux avec une turbine et parce qu’il la trouvait jolie ». Il ne sait pas du tout quel appareil elle équipait…
Pascal m’en envoie une photo… Miracle ! C’est une hélice de propulsion du Naviplane N102 ! Et la turbine, une Astazou XIV, provient du même appareil !

C’est sans doute un signe, et Michel Pont n’est pas homme à traîner lorsqu’il a foi dans un projet… d’autant que nous venons de découvrir que son cousin Dominique Pont a travaillé pour la SEDAM à la conception de ce Naviplane !

Le projet de sauvetage du Naviplane prend enfin forme.

Juin 2015, préparation des Naviplanes et départ vers Savigny les Beaune

Une équipe d’Air De Glisse et des amis se rendent à Villenave d’Ornon préparer les épaves les 12 et 13 juin 2015. Deux jours de travail harassant pour que tout soit prêt à partir vers Savigny les Beaune la semaine suivante.

C’est parti !

Le mardi 16 juin 2015, les deux épaves sont chargées sur un camion affrété par Michel Pont.

Début de la restauration

Dès l’arrivée au Château, les équipes du Musée s’activent et le samedi 20 juin, l’ancien pilote du Naviplane, Jean-François Dimanche, a la surprise de découvrir une machine propre et « recomposée », sur laquelle les travaux de rénovation vont commencer.

Les pièces récupérées sur la carcasse du Naviplane N102-C-2 ainsi que les éléments déjà acquis par Michel Pont permettent de reconstituer la plus grande partie du Naviplane N102-C-3, mais il manque encore une hélice de propulsion.

Les hélices et ventilateurs des Naviplanes étaient construits par la société Ratier, dans le Lot.
Lors d’une visite du Musée Ratier à Figeac fin juillet 2015, je prends contact avec les administrateurs du Musée et un nouveau miracle se produit : une hélice de Naviplane N102 est retrouvée au fond d’un hangar où elle était stockée depuis presque 50 ans !

Le Musée Ratier accepte de la prêter au Musée de Savigny afin qu’elle retrouve sa place dans le Naviplane. Une convention de prêt est signée à cet effet.

La rénovation du Naviplane N102-C-3 est menée par l’équipe du Musée de Savigny les Beaune pendant une année entière (juin 2015 à juin 2016).
Un pare-brise de Mercedes 600 Pullman est commandé en Allemagne, les sièges sont regarnis et le tableau de bord reconstitué. Une structure en bois simulant le boudin périphérique d’origine est construite. Le Naviplane est repeint et une jupe est ajoutée.

Le Naviplane N102-C-3 « Bételgeuse » est terminé en juin 2016.

Le 5 août 2016, Michel Pont nous invite à l’inaugurer à l’occasion d’une grande fête organisée au Château.

Madame Paulette Ratier, petite-fille de Paulin Ratier, fondateur de la société Ratier à Figeac, nous amène ce jour-là l’hélice manquante. L’hélice est installée sur le Naviplane dans la matinée…

Le dernier Naviplane N102-C-3 « Bételgeuse » est sauvé et trône désormais devant le Château de Savigny les Beaune !