Une DS dans la Gironde

Le Naviplane N300-01 « Baie des Anges » a assuré un service de bac sur la Gironde du mois de juillet 1971 au mois de décembre 1975.
Il assurait les traversées entre Blaye (où il était stationné) et Lamarque et transportait 4 voitures et 38 passagers. La traversée durait environ 5 minutes.
Il a également effectué des liaisons vers Pauillac (avant la construction de l’usine SEDAM), vers Bordeaux, Royan…

Le 12 avril 1974 sur l’heure du midi, un arrimeur a déverrouillé le système de blocage des portes afin d’aérer l’appareil.
A la reprise, lorsque les turbines sont remises en marche, les portes se referment automatiquement et le pilote reçoit le signal (extinction des voyants) indiquant qu’elles sont fermées. Il ne sait pas que le système de sécurité est désarmé et qu’elles ne sont donc pas verrouillées.

Le Naviplane décolle, mais vers 12H15, alors qu’il approche de Blaye, sa porte avant s’ouvre et les voyants d’alerte s’allument en cabine de pilotage.
Le pilote freine en catastrophe et la première voiture, une DS 21 mal arrimée, plonge dans la Gironde, sans personne à bord heureusement.

Jean-François Dimanche : Les portes avant et arrière avaient un interrupteur de secours dans la cabine passagers, interrupteur à 3 positions : Ouvert – Neutre – Fermé.
Les portes s’ouvraient par leur poids. Pour les déverrouiller depuis la cabine passagers, il fallait maintenir l’interrupteur sur la position Ouvert sinon il revenait au Neutre.
En position Neutre, le contrôle de la porte revenait automatiquement sous contrôle du poste de pilotage, avec un voyant indiquant sa position ouverte ou fermée.
Dès qu’un des doigts de verrouillage quittait sa position verrouillée le voyant rouge s’allumait en cabine de pilotage.

Michel Guédon : Le système de verrouillage des portes du N300 était un problème depuis les premiers vols et n’a jamais été correctement mis au point. Les premiers soucis sont arrivés à la saison 1969 à Nice quand la structure a réellement été sollicitée  sur les vagues, et le verrouillage toujours « bricolé ».
Il faut savoir que la porte participe à la rigidité de l’ensemble. Cette porte en se refermant s’ajuste sur deux ergots fixés sur la structure, et force cette structure à l’écartement prévu par la porte. Une fois la porte rentrée à fond sur ces ergots, un verrou transversal s’enclenche et, en fin de course, déclenche un contact électrique qui signale le bon verrouillage de la porte au pilote.

Jean-François Dimanche : L’ouverture de la porte en vol en soit n’a rien de grave. Mais faire un amerrissage d’urgence avec la porte grande ouverte à près de 100 km/h c’est autre chose.
Le N300 s’est posé le nez dans l’eau, l’eau a fait office de frein et a pénétré dans la cabine, d’où une décélération brutale, et la première voiture qui était mal arrimée (une sangle au lieu de deux) a plongé.
C’était une DS 21 toutes options haut de gamme avec beaucoup de bagages, de l’argent, etc… et elle est toujours au fond de la Gironde par 10/12m de fond à marée basse, sans compter les quelques mètres de vase.
J’ai défendu la thèse d’un mauvais fonctionnement d’une des valves électro-pneumatiques du système de verrouillage. Après une démonstration auprès de Bureau Véritas et changement des dites valves nous avons pu reprendre les vols.

Le pilote qui a perdu la voiture était un ancien de l’Aéronavale.
Quelques temps après cet incident, au cours d’un vol de nuit, il a heurté le perchoir à mouettes devant Lamarque. Le perchoir à mouettes est un mat surmonté d’un détecteur de radar pour signaler un danger.
Cet incident a occasionné des dégâts de structure sur l’arrière gauche du N300 (boudin éclaté, structure du compartiment arrière endommagée…) et le perchoir à mouettes a été couché.
Il était courant de faire des vols de nuit entre Blaye et Lamarque et le Naviplane N300 disposait d’un radar, mais le radar n’avait pas été mis en marche ce soir là…
Le pilote a été « remercié ».

Jean-François Dimanche : En 1975 sur l’étang de Berre avec comme co-pilote Jean Bertin en personne, sur le N300-02 « La Croisette » et à sa demande, j’ai ouvert la porte avant et l’ai refermée pour lui montrer qu’il n’y avait aucun danger. Je l’ai fait deux fois, la deuxième fois à la demande de Robert Anger qui était dans la cabine passagers.